Homologation des OGM au Canada

Au Canada, l’évaluation des produits issus des biotechnologies modernes est fondée sur le concept de l’« équivalence en substance », élaboré dans le cadre du Guide d’évaluation de la sécurité des denrées alimentaires issues de la biotechnologie moderne publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1993. Il s’agit d’une approche comparative, basée sur une évaluation des caractéristiques intrinsèques du produit sans égard au procédé de fabrication. Cette approche correspond également à celle retenue par les États-Unis. Ce choix teinte l’ensemble de la réglementation canadienne applicable aux organismes génétiquement modifiés (OGM), qui assimile tous les produits agricoles et alimentaires, qu’ils soient issus des techniques traditionnelles de sélection ou des biotechnologies modernes, à des « aliments nouveaux » ou à des « végétaux à caractères nouveaux ».

L’homologation des OGM repose sur une responsabilité partagée entre Agriculture Canada et Agroalimentaire Canada (par le biais de l’Agence canadienne d’inspection des aliments – ACIA), Santé Canada, Environnement Canada ainsi que Pêches et océans Canada. Par conséquent, les OGM empruntent la voie réglementaire prescrite par la législation agroalimentaire – lois et règlements respectifs — en vigueur au Canada, notamment la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les semences et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. De plus, en tant que nouveau produit destiné à la consommation humaine, la mise sur le marché des aliments transgéniques requiert l’autorisation de Santé Canada, qui agit conformément à la Loi sur les aliments et drogues. Les aliments OGM en voie d’être commercialisés subissent des évaluations complètes au regard de leur innocuité. Au stade de la recherche et du développement en laboratoire, des lignes directrices s’appliquent en matière de biosécurité. À cette étape, ni l’ACIA ni Santé Canada ne sont mandatés. L’analyse est d’abord effectuée en conditions confinées avant d’être disséminées en milieu ouvert. Les résultats sont étudiés par deux agences : l’évaluation de l’innocuité pour la consommation humaine et animale est faite par Santé Canada alors qu’Environnement Canada se penche sur la toxicité du végétal obtenu sur l’environnement et sur la diversité biologique. Ces étapes sont donc préalables à l’approbation. Puis, la mise en marché ainsi que l’étiquetage sont régulés par la Loi sur l’étiquetage et l’emballage des produits de consommation et la Loi sur les aliments et drogues.

L’approche de l’équivalence en substance est également celle priorisée en matière d’étiquetage et de traçabilité. Aussi, les produits alimentaires issus du génie génétique n’ont pas à être étiquetés en fonction de cette spécificité pour autant qu’ils soient sûrs et sains. L’étiquetage des produits alimentaires génétiquement modifiés sera exigé par Santé Canada seulement si la valeur nutritive de l’aliment est modifiée de manière importante.

Démontrant une plus grande tolérance envers la commercialisation des OGM, les consommateurs canadiens sollicitent simplement davantage d’informations leur permettant de prendre une décision éclairée sur la pertinence ou non de consommer des aliments transgéniques. En dépit du large consensus social pour l’étiquetage obligatoire des produits génétiquement modifiés, tous les projets de loi déposés devant le Parlement fédéral furent rejetés ou sont morts au feuilleton. Le Canada a choisi de ne pas intervenir de manière contraignante, préférant appuyer la normativité volontaire. Aussi, une portion importante du débat au Canada se concentre sur la liberté de choix des consommateurs, l’étiquetage et la traçabilité des OGM.

Il en est de même au Québec, où le gouvernement estime que l’étiquetage des aliments contenant des organismes génétiquement modifiés demeure une opération complexe et non compétitive pour le marché nord-américain, qui risquerait a fortiori d’isoler le Québec.

Il faut dire que le Canada se place au 5e rang mondial des pays producteurs d’OGM. Près de 11 millions d’hectares sont consacrés à la culture du canola, du maïs-grain, du soya et de la betterave sucrière (2013-2014). Le Québec se place au 11e rang et cultive environ 557 000 hectares de plantes OGM, principalement le soya et le maïs-grain, contre un total de grandes cultures non OGM d’environ 2 millions d’hectares.

Les risques associés aux cultures et aux produits génétiquement modifiés sont pluriels, mais minimes. Sur le plan environnemental et agricole, l’apparition d’une mauvaise herbe résistante à l’herbicide, la pollution des eaux et des sols par les herbicides ainsi que la perte de la diversité génétique font l’objet d’investigation plus poussée par les agronomes. Il convient aussi de mentionner que le passage des agricultures traditionnelles vers l’agriculture génétiquement modifiée a transformé les paysages agricoles en monocultures, changeant de surcroît les habitudes alimentaires des populations et influençant, au final, la sécurité alimentaire durable.

L’aspect non ségrégationniste du système règlementaire canadien envers les OGM occasionne des contradictions importantes. Tant que le Canada s’appuiera sur le principe de l’équivalence en substance dans l’évaluation du risque, il minimise l’impact potentiel des biotechnologies et se situe en marge des développements sur la scène internationale en matière de protection de la santé humaine et de la biodiversité. En effet, plusieurs pays ont d’ores et déjà adopté l’étiquetage obligatoire des OGM.

Sources:
Madame Morales enseigne la sécurité alimentaire, la législation de l'agroalimentaire et les droits économiques, sociaux et culturels. Elle est aussi étudiante au doctorat. Sa thèse porte sur la qualification juridique des ressources génétiques végétales dans l’atteinte de la sécurité alimentaire durable. Ses champs de recherche sont le droit à l’alimentation, la sécurité alimentaire et la gestion des ressources de l’agrobiodiversité sous l'angle du droit international public. Elle s’intéresse aussi à l'impact des biotechnologies agricoles sur l’accès et le partage des ressources phytogénétiques.

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