Rapport de Davies sur la gouvernance 2013 : synthétisé par notre auteur invité le professeur Ivan Tchotourian

Ivan Tchotourian*

La gouvernance des entreprises au Canada en 2013 : un bon cru ?

Tonnerre de Brest ! Voilà un rapport bien intéressant que celui publié par le cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg[1]. Alors que la gouvernance est un domaine qui ne cesse de donner lieu à de l’actualité, le rapport de Davies offre une photographie précieuse du paysage canadien. S’inspirant des circulaires de procuration de 2013 d’émetteurs inscrits à la bourse de Toronto et représentant 82 % de la capitalisation boursière totale de cette bourse, ce rapport présente un état des lieux des pratiques qui caractérisent actuellement la gouvernance des grandes sociétés canadiennes. Quels sont les enseignements de ce rapport pour les administrateurs ?

Commandement  1 : la féminisation, tu accroîtras

La taille moyenne des conseils se situe entre 9 à 12 membres. L’administrateur-type est un homme au début de la soixantaine. En dépit des vives discussions en faveur d’une plus grande féminisation des conseils d’administration et d’une augmentation tant du nombre de femmes candidates que de femmes présidentes du conseil, force est de constater que seulement 10,5 % de femmes siègent au sein des conseils des sociétés de l’indice.

Commandement 2 : le say on pay, tu n’oublieras pas

Concernant la rémunération des membres de la haute direction et des administrateurs, le say on pay s’impose plus que jamais. Le nombre des émetteurs ayant soumis des résolutions relatives au vote consultatif sur la rémunération est passé de 50 % en 2011 à 80 %. En termes de résultat, seuls 2 émetteurs canadiens ont présenté à leurs actionnaires une résolution relative au vote consultatif et ont obtenu un faible appui à leur déclaration de rémunération… confirmant l’appui habituel des actionnaires : la moitié des émetteurs ont obtenu plus de 95 % pour la résolution et trois quarts de ces émetteurs ont obtenu au moins 85 % des voix pour la résolution. Pour le reste, notons que les honoraires et les jetons de présence constituent les instruments de rémunération privilégiés des administrateurs au détriment des options dont l’octroi est devenu inhabituel. Les émetteurs ont également pris l’habitude d’adopter des lignes directrices qui obligent ces derniers à détenir des actions ou à recevoir une rémunération fondée sur des actions comme les unités d’actions différées.

Commandement 3 : le vote des actionnaires, tu prendras en compte

Depuis le 31 décembre 2012, tous les émetteurs inscrits à la bourse de Toronto doivent au moment de l’élection des administrateurs prévoir le vote majoritaire pour chacun d’eux et divulguer au public les résultats du vote. Ces deux modalités sont plus que respectées au Canada, le rapport de Davies mentionnant un respect à hauteur de 99 % pour le premier aspect et de 97 % pour le second. Que les administrateurs se rassurent toutefois, seuls trois administrateurs ont obtenu sur l’année 2013 moins de la majorité des voix exprimées[2].

Commandement 4 : sur l’activisme des actionnaires, tu te questionneras

L’activisme est devenu une valeur en tant que telle (un « actif » comme le précise le rapport de Davies). Ainsi, le nombre de courses aux procurations a augmenté passant de 5 en 2003 à 30 en 2013 et la pratique consacre la procuration générale. Au niveau des propositions, celles tendant à proposer une liste courte de candidats sont devenues une réalité incontournable. Par ailleurs, 2 éléments sont à relever : 14 émetteurs ont fait figurer des propositions dans l’ordre du jour de l’assemblée générale et les propositions sont en général faiblement appuyées par les actionnaires (moins de10 %). Le rapport de Davies propose enfin un bel état des lieux des décisions judiciaires (Telus pour ne citer qu’une des plus connues) et réflexions canadiennes (la consultation des ACVM sur le système d’alerte par exemple) en matière de vote vide et propriété occulte. Très intéressant !

Mais, j’ai déjà trop écrit et je laisse aux lectrices et lecteurs, le soin de découvrir par eux-mêmes les thématiques de la surveillance des risques sur les marchés émergents et le régime des droits des actionnaires en cas de changement de contrôle[3]. Bonne lecture…

 

*Ivan Tchotourian Professeur, Faculté de droit, Université Laval

 


[1] Ce rapport peut être consulté au lien suivant. Pour la suite de nos propos, nous le dénommerons « Rapport de Davies ».

[2] Dans le rapport de Davies, les lectrices et les lecteurs trouveront une synthèse intéressante des travaux menés actuellement au Canada et à l’étranger en matière de vote par procuration et d’agences de conseil de vote. Le rapport de Davies dresse un beau panorama dont ces sujets sont l’objet. À titre indicatif, je rappelle que les ACVM se sont prononcés récemment sur ces deux sujets :

ACVM, « Avis 25-301 des ACVM – Le point sur le Document de consultation 25-401 des ACVM, Perspectives de réglementation des agences de conseil en vote », 19 septembre 2013 ; ACVM, « Examen de l’infrastructure du vote par procuration », Document de consultation 54-401, 15 août 2013 ; ACVM, « Perspectives de réglementation des agences de conseil en vote », Documentation de consultation 25-401, 21 juin 2012.

[3] Ces deux thèmes constituent le cœur des chapitres 5 et 6 du rapport de Davies.

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