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AVR
2014

Le Bureau de la concurrence lance une consultation sur ses lignes directrices en matière de propriété intellectuelle

Le 2 avril dernier, le Bureau de la concurrence a lancé une consultation sur son projet de lignes directrices en matière de propriété intellectuelle[1]. Les relations entre le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle sont essentielles dans une économie de marché concurrentielle.

Le droit de la propriété intellectuelle confère à l’entreprise qui innove une propriété privée sur ses découvertes. Cette protection du droit de propriété est capitale car il incite à l’innovation. Comme la concurrence génère un besoin de se démarquer de ses concurrents, l’innovation est une manière de prendre de l’avance sur ses concurrents et de conquérir des parts de marché. La protection de la propriété intellectuelle permet ainsi de protéger l’innovation et le processus concurrentiel.

Cependant, cette protection peut avoir un effet pervers en créant des barrières à l’entrée sur le marché. Des concurrents ne bénéficiant pas des brevets nécessaires pour développer leurs activités peuvent avoir besoin d’acheter auprès des entreprises bien installées sur le marché le droit d’exploiter leurs découvertes.  Se faisant, en acceptant de vendre ses droits de propriété sur ses découvertes, l’entreprise détentrice du brevet génère une compétition contre elle-même. Pour cette raison, la propriété intellectuelle peut aussi être utilisée pour bloquer l’accès au marché de nouveaux joueurs et renforcer ou créer une position dominante sur le marché.

Comme l’indique le Bureau de la concurrence au par. 3.1 sur les relations entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence :

« Les lois sur la PI et sur la concurrence constituent des éléments nécessaires au bon fonctionnement du marché. Les premières accordent des droits de propriété comparables aux droits associés à d’autres types de propriétés privées. Elles incitent ainsi les titulaires de droits à investir dans la création et l’exploitation de PI tout en les encourageant à en faire usage et à les diffuser avec efficience sur le marché. L’application de la Loi à une pratique touchant une PI peut enrayer un comportement anticoncurrentiel qui nuit à la production et à la diffusion efficientes de produits et de technologies, ainsi qu’à la création de nouveaux produits. La promotion d’un marché concurrentiel par l’application des lois sur la concurrence est compatible avec les objectifs qui sous-tendent les lois sur la PI ».

Cette bonne interaction entre les deux droits se manifeste notamment à l’article 32 de la Loi sur la concurrence (L.R.C. (1985), ch. C-34):

« Seul l’article 32, dans la partie de la Loi concernant les recours spéciaux, prévoit la possibilité que le simple exercice d’un droit de PI puisse constituer un motif de préoccupation et inciter le Bureau à faire des démarches auprès du procureur général pour que ce dernier présente une demande en recours spécial à la Cour fédérale ».

Il faudra maintenant surveiller les résultats de la consultation.

Benjamin Lehaire

 


[1] V. [en ligne] : <http://www.bureaudelaconcurrence.gc.ca/eic/site/cb-bc.nsf/fra/03689.html#s2_2>.

Benjamin Lehaire, LL. D. (Université Laval) est docteur en droit privé et professeur en droit des affaires à l’École des sciences de l’administration de la TELUQ (Université du Québec). Il a obtenu son doctorat en cotutelle de thèse France-Québec avec l’Université de La Rochelle. Sa thèse portait sur l’action en responsabilité civile des victimes de pratiques anticoncurrentielles dans une approche comparative Canada/Europe. En 2015, il reçoit pour sa thèse une mention spéciale du jury lors du prix Jacques Lassier de la Ligue internationale de droit de la concurrence (Suisse). Il est l'auteur d'un ouvrage sur l'action en concurrence déloyale publié aux éditions Yvon Blais. Le professeur Lehaire participe également aux JurisClasseur du Québec. Ses recherches se centrent principalement sur le droit de la concurrence et ses liens avec le droit de la responsabilité civile et la protection des consommateurs. Ses travaux lui ont valu plusieurs subventions de recherches, notamment de la Fondation pour la recherche juridique.

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