28
JUIN
2014

L’Australie change son code de gouvernance (billet de notre auteur invité le professeur Ivan Tchotourian)

*Ivan Tchotourian

Après la France qui a amendé son Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées en juin 2013[1],  c’est au tour de l’Australie de procéder à pareil exercice. À la fin du mois de mars 2014, l’Australian Stock Exchange (« ASX ») a modifié son code de gouvernance des entreprises. Ainsi, l’ASX a promulgué la 3e édition de son code qui sera applicable sous peu : le 1er juillet 2014. La nouvelle version du « Corporate Governance Principles and Recommendations » (accessible ici) propose un certain nombre de nouveautés. Quelles sont les modifications que propose la nouvelle mouture du code de gouvernance ? Force est de constater que celles-ci oscillent entre véritables nouveautés (1.) et simple toilettage (2.)[2].

1.1 Des ajustements majeurs

Deux principes du code australien de gouvernance d’entreprise font l’objet de profonds ajustements.

D’une part, le Principe 1 (« Lay solid foundations for management and oversight ») se voit enrichi de quatre aspects non négligeables : la nécessaire vérification des antécédents d’un administrateur avant de le rémunérer (principe 1(a)), l’impérative information qui doit être donnée au moment de l’élection des administrateurs (principe 1(b)), le besoin d’une trace écrite sur les conditions de la nomination des administrateurs (durée, rémunération, conflits d’intérêts…) (Principe 1.3) et le rôle central tenu aujourd’hui par les secrétaires corporatifs[3] (Principe 1.4).

Recommendation 1.2

A listed entity should listed entity should:

(a) undertake appropriate checks before appointing a person, or putting forward to security holders a candidate for election, as a director; and

(b) provide security holders with all material information in its possession relevant to a decision on whether or not to elect or re-elect a director.

Recommendation 1.3

A listed entity should have a written agreement with each director and senior executive setting out the terms of their appointment.

Recommendation 1.4

The company secretary of a listed entity should be accountable directly to the board, through the chair, on all matters to do with the proper functioning of the board.

D’autre part, le Principe 6 (« Respect the rights of security holders ») est le second principe qui a été le sujet d’une réforme[4]. Ainsi, la diffusion des informations sociétaires relatives à la société et à sa gouvernance par le biais d’Internet est encouragée et devrait comporter de très nombreuses et diverses données. Devraient figurer des informations relatives notamment à la constitution de la société, à sa structure et son commerce, à ses administrateurs, à la politique dans le domaine de la gouvernance d’entreprise, à la charte du conseil… (Principe 6.1). De plus, le fait de faciliter la communication électronique avec les actionnaires : « A listed entity should give security holders the option to receive communications from, and send communications to, the entity and its security registry electronically » (Principe 6.4).

Recommendation 6.1

A listed entity should provide information about itself and its governance to investors via its website.

Recommendation 6.4

A listed entity should give security holders the option to receive communications from, and send communications to, the entity and its security registry electronically.

1.2 Des ajustements mineurs

De l’autre côté du spectre, d’autres principes font l’objet de moins de modifications profondes. Il en va ainsi des Principes 2, 4, 7 et 8. Tout d’abord, le Principe 2 (« Structure the board to add value ») fait place à la formation préparatoire et professionnelle que devrait posséder tout administrateur (principe 2.6). Ensuite, le Principe 4 (« Safeguard integrity in corporate reporting ») est également légèrement modifié pour imposer que toute société par actions s’assure que l’auditeur externe assiste à l’assemblée générale pour répondre aux questions qui lui seraient posées par les actionnaires (principe 4.3). Par ailleurs, le comité d’audit interne se trouve concrétisé dans le nouveau principe 7.3 (« Recognise and manage risk »), les sociétés n’en mettant pas en place devant s’expliquer sur la manière dont elles gèrent les risques management et de contrôle interne. Enfin, la rémunération des administrateurs (Principe 8 : «Remunerate fairly and responsibly ») confirme qu’elle est un sujet d’attention constante en Australie comme ailleurs, puisqu’une description de la politique prévalant en matière de programmes d’intéressement en actions se trouve dorénavant devoir être mise en place et affichée clairement (principe 8.3).

Recommendation 2.6

A listed entity should have a program for inducting new directors and provide appropriate professional development opportunities for directors to develop and maintain the skills and knowledge needed to perform their role as directors effectively.

Recommendation 4.3

A listed entity that has an AGM should ensure that its external auditor attends its AGM and is available to answer questions from security holders relevant to the audit.

Recommendation 7.3

A listed entity should disclose:

(a) if it has an internal audit function, how the function is structured and what role it performs; or

(b) if it does not have an internal audit function, that fact and the processes it employs for evaluating and continually improving the effectiveness of its risk management and internal control processes.

Recommendation 8.3

A listed entity which has an equity-based remuneration scheme should:

(a) have a policy on whether participants are permitted to enter into transactions (whether through the use of derivatives or otherwise) which limit the economic risk of participating in the scheme; and

(b) disclose that policy or a summary of it.

Comme nous pouvons le constater, la gouvernance d’entreprise est un sujet qui est loin d’avoir épuisé toutes les interrogations des juristes de droit des sociétés.

Bonne lecture à toutes et tous !

 

*Professeur, Faculté de droit, Université Laval

 


[1] « Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées », Afep-MEDEF, juin 2013. Pour un commentaire, cf. I. Tchotourian, S. Schiller, V. Magnier, G. Gaède, C. Lambert et J.-C. Duhamel), « Le nouveau Code AFEP-MEDEF de juin 2013 », Actes pratiques et ingénierie sociétaire, mars-avril 2014, no 134, p. 5-29.

[2] Les nouveaux principes figurant dans le code de gouvernance de l’ASX sont repris dans les encadrés.

[3] Cf. par exemple : Institut Français des Administrateurs (IFA), « Le secrétaire du conseil au coeur de la gouvernance », Rapport, juin 2007, ici.

[4] Les Principes 6.2 et 6.3 portant respectivement sur le programme de relation avec les investisseurs et les manières de faciliter la participation des actionnaires à l’assemblée générale.

Dominique Mannella est inscrit au doctorat sous la direction du professeur Ivan Tchotourian. Dominique Mannella est titulaire d’un baccalauréat en droit, ainsi que d’un Master of Arts (M.A.) de l’Université de Dublin Trinity College (Irlande). Il a également complété des études de droit à l’Université de Montréal (Canada) et à l’Université de Bologne (Italie). Par ailleurs, il est titulaire d’une maîtrise en droit des valeurs mobilières et réglementation des marchés financiers américains et internationaux (LL.M.) obtenue au Georgetown University Law Center à Washington D.C. (États-Unis). Durant son baccalauréat, Dominique Mannella a réalisé un stage de recherche à l’Ambassade du Canada de Dublin et a collaboré à la revue de droit intitulée Trinity College Law Review. Il a également travaillé à l’U.S. Securities and Exchange Commission Division of Enforcement durant sa maîtrise, œuvrant principalement dans l’équipe chargée de détecter, d’enquêter et de faire sanctionner les infractions aux lois fédérales sur les valeurs mobilières. Dominique Mannella a pratiqué le droit en litige commercial dans les cabinets New-Yorkais Tosolini & Lamura LLP et Bracken Margolin Besunder LLP et a passé les examens du Barreau de New York en 2013. Membre du CÉDÉ, il mène ses recherches dans les domaines du blanchiment d’argent (sous un angle préventif) et de la gouvernance d’entreprise. Il travaille actuellement comme auxiliaire de recherche et d’enseignement pour le professeur Ivan Tchotourian et a à son actif plusieurs publications. Il s'est récemment vu remettre une prestigieuse bourse du Fonds pour l'éducation et la saine gouvernance de l'Autorité des marchés financiers ainsi qu'un stage pour la poursuite de ses études au doctorat.

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