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AVR
2016

Rachat d’actifs ou rachat d’actions : la question du contrôle – Fusions-acquisitions : Partie II

Au Québec ainsi qu’au Canada, une entreprise peut en acquérir une autre de trois différentes façons : par fusion, par rachat d’actions ou par l’acquisition des biens corporels ou incorporels afférents à l’entreprise [1]. Le processus de fusion statutaire a été développé dans l’article de blogue précédent. Toutefois, il arrive qu’une société par actions ne souhaite pas fusionner et décide plutôt d’opter pour une autre stratégie. C’est ce qui est arrivé tout récemment dans le cas du géant de la bière, AB InBev, qui rachetait SABMiller dans une transaction historique totalisant 112 milliards d’euros[2]. Dans ce même ordre d’idée, le texte qui suit survolera les avantages et les inconvénients du procédé de rachat d’actions ou d’actifs.

 

Le rachat d’actions

Évidemment, détenir une entreprise amène son lot de risques. Il y a inévitablement de nombreux risques financiers inhérents au processus de rachat d’actions. C’est un inconvénient normal du monde des affaires ! À la base, il faut se rappeler que procéder par un rachat d’actions reste une décision financière et stratégique qui dépend des circonstances. Ce sera donc aux dirigeants de l’entreprise et à leurs conseillers-experts de soupeser la valeur des avantages et des inconvénients afin de faire un choix éclairé de la méthode d’acquisition selon une analyse financière et fonctionnelle du projet d’acquisition.[3]

Avant toute chose, il est intéressant de mentionner que, dans le cas de l’acquisition d’une société par rachat d’actions, il faudra faire la différence entre un émetteur assujetti (c’est à dire, un émetteur qui fait appel publiquement à l’épargne) et un émetteur fermé (qui ne fait donc pas un appel public à l’épargne) selon la Loi sur les valeurs mobilières[4]. En effet, cela aura un impact important au niveau des modalités que doit remplir l’entreprise cessionnaire.

Dans le cas d’un émetteur assujetti, les formalités sont beaucoup plus complexes et plusieurs contraintes légales devront être respectées lors d’un rachat d’actions : divulgation d’information, offre publique d’achat, etc. Il faudra, par exemple, s’assurer que toute information pouvant influencer la valeur du titre ait été dénoncée.[5] Dans le cas du rachat d’actions d’un émetteur fermé, le mécanisme est beaucoup plus simple : il s’agit du transfert des actions d’une société contractante à l’autre. Conséquemment, le contrôle de la société est cédé au nouvel acquéreur. Afin qu’une telle opération réussisse, les parties devront procéder par offre de vente assortie d’une lettre d’intention.[6] C’est d’ailleurs à ce moment précis que le transfert des actions a lieu (suite au paiement du prix demandé). La facilité de cette démarche attire plusieurs acheteurs. De ce fait, le niveau de complexité de l’acquisition par rachat d’actions d’un émetteur fermé versus un émetteur assujetti est à prendre en considération et il peut être plus avantageux de procéder par rachat d’actions d’un émetteur fermé.

 

Le rachat d’actifs

Contrairement aux opérations financières précédentes, la motivation de l’acheteur n’est pas nécessairement liée à la possession d’un contrôle de la société par actions. L’acquéreur peut vouloir détenir le contrôle de l’entreprise en partie seulement, sur la machinerie ou les comptes à recevoir, par exemple. Dans ce cas, les étapes à suivre pour procéder au rachat d’actifs sont similaires à celles suivies pour le rachat d’actions d’un émetteur fermé. L’avantage principal de procéder par l’acquisition des biens corporels ou incorporels afférents à l’entreprise est que la société acheteuse n’est pas liée par les dettes ou le passif de la société-cible. Par contre, un inconvénient de cette méthode est lié au fait qu’il faut vendre chacun des biens de l’entreprise visée par le rachat. De plus, la cession de chaque bien doit être conforme à toutes les règles de transfert de titres et d’enregistrement. Cela peut parfois devenir compliqué dans le cas d’une société par actions qui exerce ses activités dans plusieurs provinces où les juridictions diffèrent. [7]

 

Considérations finales

La société par actions qui désire procéder au rachat d’actifs ou de biens connexes à l’entreprise devra se poser diverses questions dont les réponses peuvent avoir une incidence sur le choix d’aller de l’avant ou non avec cette acquisition. Dans le choix de la méthode adéquate et donc, de celle qui est la plus profitable, les têtes dirigeantes de chaque société par actions devront tenir compte de divers facteurs tels que les questions environnementales, l’impact que le processus peut avoir sur les employés et les relations de travail, les permis et les autorisations à obtenir, les questions d’assurances ainsi que les incidences fiscales.[8]

Finalement, divers impacts négatifs au niveau de la Loi sur la concurrence[9] peuvent se présenter en procédant par rachat d’actifs ou d’actions d’une société par actions. C’est un élément pertinent à analyser lors de l’acquisition d’une entreprise. D’ailleurs, cette question sera traitée dans l’article de blogue subséquent.

 

 


[1] Daniel PICOTTE, «La cession d’entreprise», dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau du Québec, vol. 9, Entreprises et sociétés, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 261, <http://edoctrine.caij.qc.ca/collection-de-droit/2015/9/1262828699/>.

[2] NOVOTNY, Patrice et MAYEMBO, Aurélie (2015). « Transaction historique dans la bière: AB InBev avale SABMiller», La presse. Récupéré de http://affaires.lapresse.ca/economie/agroalimentaire/201511/11/01-4919597-transaction-historique-dans-la-biere-ab-inbev-avale-sabmiller.php

[3] Daniel PICOTTE, «La cession d’entreprise», dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau du Québec, vol. 9, Entreprises et sociétés, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 261, <http://edoctrine.caij.qc.ca/collection-de-droit/2015/9/1262828699/>.

[4] Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1.

[5] Daniel PICOTTE, «La cession d’entreprise», dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau du Québec, vol. 9, Entreprises et sociétés, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 273, <http://edoctrine.caij.qc.ca/collection-de-droit/2015/9/1262828699/>.

[6] Daniel PICOTTE, «La cession d’entreprise», dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau du Québec, vol. 9, Entreprises et sociétés, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 272,  <http://edoctrine.caij.qc.ca/collection-de-droit/2015/9/1262828699/>.

[7] Ibid, p. 274.

[8] Ibid, p. 309.

[9] Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34.

Laurence Béland-Cousineau est étudiante en troisième année au baccalauréat en droit de l’Université Laval. Bachelière en administration des affaires de l’Université du Québec à Montréal, elle est également détentrice d’un certificat en droit transnational de l’Université de Genève (Suisse). Le droit des affaires l’intéresse, plus particulièrement le droit des sociétés, les enjeux liés à la gouvernance d’entreprise et le domaine de la fusion-acquisition.

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