10
NOV
2020

L’arrivée de la 5g : une bonne nouvelle pour le consommateur?

De nos jours, les technologies foisonnent de partout et occupent une place particulière dans la vie des consommateurs. Au Québec, avec une croissance de 20% de 2016 à 2019, le téléphone intelligent est devenu un incontournable dans la vie quotidienne des ménages québécois (77% des adultes ont désormais ce type d’appareil)[1].La cinquième génération des standards pour la téléphonie mobile, communément appelée la 5g, est présentée mondialement comme une avancée majeure, répondant à cette explosion du monde de la technologie et des objets connectés.

 

Les caractéristiques de la 5g

La 5g innove principalement en exploitant de plus hautes bandes de fréquences dans le spectre électromagnétique que son prédécesseur, toujours supporté par la plupart des téléphones mobiles, la 4g[2]. Ce spectre se définit comme étant « la gamme de fréquences produites par toutes les sources d’énergie électromagnétique »[3], notamment la lumière visible, les éclairs et les appareils sans fils. Alors que la 4g, à son plein potentiel, maximisait au mieux la bande des 3,5 GHz[4], la 5g, en plus des bandes déjà exploitées par la 4g, sera en mesure d’atteindre la bande des hautes fréquences de plus de 24 GHz[5]. L’ajout de ce palier, au domaine du réseau mobile, est celui qui promet une rapidité sans pareille et une révolution du monde de la télécommunication.

 La connectivité, la latence (rapidité entre le point de départ et de réception d’une donnée) et la largeur de bandes sont les 3 grands domaines que la cinquième génération se targue de révolutionner dans le monde du réseau sans fil[6]. En termes clairs, cette technologie fait miroiter un futur où le nombre d’appareils branchés collectivement augmentera exponentiellement et dans lequel la rapidité imminente des communications cellulaires et des téléchargements sera sans équivoque[7]. Encore au stade de projection, certains domaines pourraient particulièrement profiter de ces nouveautés, que ce soit l’essor des villes intelligentes, la spécialisation de la télémédecine et des véhicules autonomes[8]. Tous ces domaines requièrent bien évidemment des connexions mobiles.

Tous ces espoirs d’un futur connecté apportent évidemment son lot d’incertitudes. La 5g pourrait perturber les prévisions météorologiques et empêcher l’annonce imminente de tempêtes, d’ouragans ou encore de tornades. D’autre part, la multiplication des antennes 5g et la radiation électromagnétique causée divisent encore le monde scientifique face à l’impact de telles infrastructures sur la santé humaine. Certains considèrent que ces fréquences ne sont pas dangereuses alors que d’autres étudient toujours la question et ne minimisent pas la dangerosité de telles installations[9]. Finalement, des enjeux de sécurité national et de cyberespionnage contre le Canada sont aussi mis de l’avant par certains spécialistes. Les entreprises de télécommunication canadiennes sont particulièrement dépendantes de l’entreprise chinoise Huawei, chef de file en la matière, pour le déploiement de leur réseau 5g. En contrôlant l’infrastructure du réseau, il serait par exemple facile pour cette multinationale d’intercepter toute l’information circulant dans le réseau afin de procurer un avantage indu au gouvernement chinois. Le paysage dépeint par les fervents partisans de la cinquième génération n’est donc pas toujours aussi joyeux qu’il n’y parait.[10]

 

La 5g et le consommateur

La prolifération de la 5g engendre des problèmes de protection des données personnelles du consommateur. Déjà bien présent avec la 4g, l’agglomération d’une quantité phénoménale d’appareils branchés dans un même réseau multiplie les possibilités d’attaque des cybercriminels et le volume de données transmises aux entreprises[11] . Toutes ces informations obtenues peuvent être destinées à la revente. En effet, « les données personnelles sont devenues de vrais actifs incorporels »[12]. Le problème se pose lorsque les données personnelles pourraient être vendues ou transférées à des parties malveillantes qui n’en feraient pas bon usage.

La réglementation québécoise assure une certaine protection au consommateur (ou à toute autre personne physique). La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[13] accorde en effet une place prioritaire au consentement de ces derniers. En d’autres termes, les contrats auxquels une personne sera partie devront exprimer clairement le processus de collecte et d’utilisation des données personnelles de l’entreprise pour garantir un consentement libre et éclairé de la part du consommateur[14].

Conscient de la montée des problèmes reliés à la protection des données, le gouvernement a présenté le projet de loi 64 (Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels)[15] le 12 juin dernier[16]. Ce projet vise, entre autres, à raffermir l’obligation de consentement de la part du consommateur et à pénaliser plus sévèrement les entreprises délinquantes[17]. Alors que le marché des données personnelles pourrait octroyer un avantage économique considérable aux entreprises dans les années à venir en raison du flux massif et sans précédent d’informations, les décisions que prendront les compagnies pour assurer le respect de la Loi et de ses possibles modifications, tout en gardant une certaine mainmise sur ces données, seront certainement scrutées avec intérêt.  

 

Un peu en retard en matière de technologie 5g, le Canada annonçait récemment le report de sa vente aux enchères prévue pour l’achat de blocs de fréquences du spectre par les grandes entreprises de télécommunications (Bell, Rogers et Telus)[18]. Ces achats permettent l’accès exclusif à certaines parcelles de bandes de fréquences.

À l’échelle mondiale, plusieurs pays ont déjà eu recours au même processus et la protection du consommateur, lors de l’imposition des prix de base pour les enchères, a souvent été recalée au second plan. Certains pays comme la France et l’Italie ont exigé un prix plancher exorbitant lors des enchères pour l’achat des blocs[19]. L’imposition d’une telle somme désavantage nettement le consommateur qui subira une augmentation du prix de son service de téléphonie mobile afin d’absorber les dépenses supplémentaires des grandes entreprises de télécommunications[20].

D’autres États comme la Finlande ou le Japon ont plutôt décidé d’accorder les lots à des prix dérisoires, démontrant la place importante du consommateur lors de la prise de décision[21].  Si le Canada décidait de favoriser la voie adoptée par la France, certains remparts de la réglementation québécoise se dresseraient pour protéger les consommateurs de la province, dans une certaine mesure. Par exemple, à moins que le fournisseur de téléphonie mobile ne décide simplement d’augmenter ses prix, tous les frais qui pourraient être reliés à la 5g devraient être explicitement précisés dans le contrat de téléphonie cellulaire[22].  « Une augmentation des prix qui serait trop importante, au point où la différence entre le nouveau prix demandé et la valeur réelle du produit ou du service offert est si grande qu’elle équivaut à l’exploitation du consommateur », ne serait pas non plus tolérée[23]. L’avenir et les décisions prochaines du gouvernement canadien concernant, entre autres, l’émission des blocs, permettront véritablement de mieux mesurer l’impact de tels choix sur les épaules du consommateur.

 

En définitive, le consommateur ne sera certainement pas le dernier touché par l’arrivée fulgurante de la 5g. On imagine déjà une forte concurrence sur le marché du réseau Internet fixe ou de la fibre optique qui permettrait de réduire les prix des forfaits et obligerait les grandes compagnies à innover pour offrir les caractéristiques avantageuses de la 5g. Alors que les infrastructures maximisant l’utilisation de la cinquième génération sont encore peu nombreuses, certains abordent le risque d’indications fausses ou trompeuses de la part des commerçants. On peut penser à une compagnie cellulaire promettant un réseau de toute dernière génération, mais qui n’est en réalité qu’un simple réseau 4g.

Les prochaines années permettront donc de mieux définir le rôle que devra jouer le droit au travers de ces branches économiques, touchant de près ou de loin à cette nouvelle mine d’or.

 

 

 

[1]LA PRESSE CANADIENNE, « Au Québec, le téléphone intelligent est le moyen le plus populaire d’accéder au web », Radio-Canada, 29 janvier 2020, [en ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1496403/cefrio-statistiques-quebec-2019-acces-internet-web-navigation-telephone-cellulaire-ordinateur-tablette-chiffres.

[2] WALL, M., « Qu’est-ce que la 5G et qu’est-ce que cela signifie pour vous? », BBC News, 21 décembre 2019, [en ligne] https://www.bbc.com/afrique/monde-50223402

[3]INNOVATION, SCIENCES ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE CANADA, L’énergie radiofréquence et la sécurité, [en ligne] https://www.ic.gc.ca/eic/site/smt-gst.nsf/fra/sf11467.html.

[4] Le hertz (le GHz est un milliard de fois le hertz) est l’unité de mesure de la fréquence. La fréquence représente le nombre d’oscillation de l’onde par unité de temps. Plus la fréquence augmente, plus la longueur d’onde est courte et plus l’énergie transportée par l’onde est grande. La 4g, en utilisant de plus basses fréquences apporte moins d’énergie, mais peut voyager sur une plus longue distance (elle pénètre quasiment tout). La 5g, avec ses plus hautes fréquences, transporte une quantité incroyable d’énergie, mais ne pénètre pas tout (longueur d’onde courte). Elle peut être ralentie par les arbres, la simple pluie ou un mur, d’où l’intérêt de multiplier les antennes 5g. Sur la question du hertz et de la fréquence, voir le site en ligne « https://parlonssciences.ca/ressources-pedagogiques/documents-dinformation/quels-sont-les-differents-types-de-rayonnement ». Sur la question des antennes 5g, voir le site en ligne « https://reporterre.net/La-5G-des-frequences-des-antennes-et-des-craintes ».

[5] CONTRERAS, S., «Explaining 5G: Millimeter wave, sub-6, low-band and other terms you need to know», androidcentral, 11 juin 2020, [en ligne] https://www.androidcentral.com/explaining-5g-millimeter-wave-sub-6-low-band-and-other-terms-you-need-know.

[6] CENTRE DE RECHERCHES SUR LES COMMUNICATIONS CANADA, Qu’est-ce que le 5G?, [en ligne] http://www.ic.gc.ca/eic/site/069.nsf/fra/00077.html.

[7] Id.

[8] CARBON, P., «Les enchères sur la 5G ou la taxation du consommateur », Contrepoints, 15 octobre 2020, [en ligne]  https://www.contrepoints.org/2020/10/15/382203-les-encheres-sur-la-5g-ou-la-taxation-du-consommateur ; BOHEM, E., « 5g is the future », Reason, 21 novembre 2019, [en ligne] https://reason.com/2019/10/21/5g-is-the-future/ ; POIRSON, C., Le Journal du Net, 7 octobre 2020, [en ligne] https://www.journaldunet.com/ebusiness/telecoms-fai/1494477-5g-et-donnees-personnelles-quels-enjeux-juridiques/.

[9] RÉBECCA, A. et MAGDELAINE, C., « Réseau 5G : quelles conséquences et bénéfices ? », notre-planete.info, 11 octobre 2020, [en ligne] https://www.notre-planete.info/actualites/3087-5G-reseau-ondes-consequences-sante.

[10] GIRARD, J., « 5G : à vouloir aller trop vite avec Huawei, des entreprises se mettent à « risque » », Radio-Canada, 20 juin 2019, [en ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1172319/reseau-5g-internet-cyberespionnage-chine-telecommunications-telephone ; RADIO-CANADA, « La 5G pourrait perturber les prévisions météorologiques », Radio-Canada, 24 décembre 2019, [en ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1448270/5g-meteo-temperateure-previsions-reseau-interference ; DE ROSA, N., « l’arrivée du 5g comporte d’importants risques, prévient un expert, Journal de Montréal, 28 mai 2019, [en ligne] https://www.journaldemontreal.com/2019/05/28/larrivee-du-5g-comporte-dimportants-risques-pour-la-sante-previent-un-expert.

[11] LIYANAGE, M. et al., A Comprehensive Guide to 5G Security, Chichester, John Wiley & Sons Ltd, 2018, p. 66-68, [en ligne] bibliothèque Université Laval « sofia » https://onlinelibrary-wiley-com.acces.bibl.ulaval.ca/doi/pdf/10.1002/9781119293071.

[12] SMADJA, J., « Commercialisation des données : quels enjeux? », La Tribune, 18 septembre 2020, [en ligne] https://www.latribune.fr/supplement/commercialisation-des-donnees-quels-enjeux-857593.html.

[13] Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ, c. P-39. 1.

[14] Id., art. 14.

[15] PL 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, 1re session, 42e lég, Québec, 2020 (adoption de principe et renvoi à la Commission des institutions pour son étude détaillée le 20 octobre 2020).

[16]Voir le site de l’assemblée nationale du Québec sur la page « Projet de loi n° 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels », [en ligne] http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-64-42-1.html.

[17] S. MORGAN, C. et al., «Projet de loi 64 : Le gouvernement du Québec entreprend une réforme importante du régime de protection des renseignements personnels », cybersécurité, confidentialité et gestion des données (19 juin 2020), [en ligne] https://www.mccarthy.ca/fr/references/blogues/techlex/projet-de-loi-64-le-gouvernement-du-quebec-entreprend-une-reforme-importante-du-regime-de-protection-des-renseignements-personnels. Voir aussi LÉVESQUE, F., « Données personnelles: une loi avec plus de mordant », La Presse, 12 février 2020, [en ligne] https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2020-02-12/donnees-personnelles-une-loi-avec-plus-de-mordant.

[18] LA PRESSE CANADIENNE, « 5G: Ottawa reporte l’enchère du spectre à juin 2021 », Les affaires, 5 juin 2020, [en ligne] https://www.lesaffaires.com/techno/technologie-de-l-information/5g-ottawa-reporte-l-enchere-du-spectre-a-juin-2021/618104.

[19] CARBON, P., préc., note 8.

[20] GSMA, Tarification du spectre, juillet 2017, p.4-5, [en ligne] https://www.gsma.com/spectrum/wp-content/uploads/2018/12/spectrum_pricing_positioning_2017FRA.pdf.

[21]   CARBON, P., préc., note 8.

[22] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40. 1, art. 12.

[23] GRONDIN, K., « Indexation des prix en raison de la COVID-19 : quels sont vos droits et obligations? », affaires, commercial et corporatif (30 juin 2020), [en ligne] https://www.groupetcj.ca/actualites/607-indexation-des-prix-en-raison-de-la-covid-19-quels-sont-vos-droits-et-obligations-.html. Voir aussi Loi sur la protection du consommateur, préc., note 21, art. 8.

Émilio De Angelis est étudiant en troisième année au baccalauréat en droit de l'Université Laval. Il s'implique à titre de bénévole pour le comité Pro Bono - Section Université Laval où il participe plus particulièrement au projet du CÉDÉ. Il s'intéresse au droit des affaires en général.

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