23
MAR
2021

2020, une année fiscale pas comme les autres

Avec la période des déclarations d’impôts qui bat son plein, voici quelques informations utiles pour mieux se situer par rapport à 2020, une année fiscale qui ne fut pas comme les autres. La Loi de l’impôt sur le revenu[1] [LIR ci-après] d’origine fédérale sera présentée en parallèle avec la Loi sur les impôts[2] [LI ci-après] d’origine québécoise. Ce billet se veut comme un simple survol de quelques particularités fiscales de 2020 et de quelques mesures spéciales prises par le gouvernement canadien et mise en œuvre par l’Agence du Revenu du Canada [ARC ci-après]. En cas de doute ou pour toutes questions supplémentaires, il est recommandé de consulter un spécialiste.

Quelques éléments administratifs à considérer

Les délais pour la déclaration de l’année fiscale de 2020 sont revenus à la normale. Cette déclaration doit être remplie au plus tard le 30 avril 2021[3]. De plus, s’il faut payer de l’impôt, le solde sera également exigible le 30 avril 2021[4].

Il ne faut donc pas confondre ces dates  avec les extensions spéciales adoptées par l’ARC pour l’année fiscale de 2019 afin d’aider les contribuables canadiens à la suite du ralentissement économique causé par la COVID-19. À ce moment-là, les autorités fiscales avaient en effet étendu le délai pour la production de la déclaration au 1er juin 2020 et pour le paiement de tout montant dû au 30 septembre 2020[5].

Le télétravail

Avec le confinement vint un changement drastique quant aux habitudes de travail des Canadiens. Le télétravail est en effet devenu une réalité pour 22% des travailleurs canadiens pendant la pandémie de COVID-19 comparativement à seulement 4% avant la pandémie[6]. À cet effet, l’ARC met à la disposition des employés une déduction pour les dépenses de travail à domicile[7] qui est très intéressante en considérant l’augmentation de télétravailleurs.

Mesures de soutien aux personnes touchées par le COVID-19

Au printemps 2020, le gouvernement Trudeau mit d’abord sur pied la Prestation canadienne d’urgence[8] [PCU ci-après] ainsi que la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants[9] [PCUE ci-après] pour soutenir les Canadiens qui étaient affectés par la COVID-19.

Une autre mesure, qui a débuté vers la fin de 2020, est la prestation canadienne de relance économique[10] [PCRE ci-après]. Cette dernière a toujours pour objectif d’aider les Canadiens à traverser la période de fragilité économique qui pèse sur le pays.

Les bénéficiaires de ces aides doivent considérer quelques éléments fiscaux très importants.

La retenue à la source

Le premier enjeu à considérer est que la PCU et la PCUE n’ont pas été soumises à des retenues à la source[11], contrairement à ce qu’il est normalement exigé au Canada lorsqu’il y a une somme gagnée[12]. En effet, habituellement lorsqu’un contribuable reçoit une paie, l’employeur s’est déjà assuré de retenir les charges fiscales et sociales qui incombent à l’employé. Cela veut donc dire que l’employé ne percevra jamais son salaire total, son revenu brut, mais recevra plutôt son revenu net. En d’autres mots, la somme reçue correspond à ce que le contribuable peut véritablement dépenser. Dépendamment des circonstances particulières de chacun, il peut certes y avoir des ajustements à faire lors de la déclaration d’impôt, cependant ceux-ci sont généralement minimes.

Même si aucune déduction à la source n’a été prélevée, il faut cependant se rendre à l’évidence que ces sommes sont bel et bien imposables tel qu’il a été rappelé par l’ARC dans un communiqué de presse du 9 février 2021[13]. En effet, la notion de revenu est définie de façon très large et englobe le traitement, le salaire ou toute autre rémunération qu’un contribuable reçoit au cours de l’année[14]. Le revenu imposable, quant à lui, est défini comme le revenu annuel duquel seront retranchées les déductions admissibles[15].

Procéder de la sorte avait certainement l’avantage de donner un peu plus d’argent aux contribuables alors que certains s’étaient soudainement retrouvés dans des situations financières très précaires. En revanche, cette formule a en même temps le désavantage d’un risque de remboursement d’une somme substantielle à l’ARC une fois la déclaration d’impôt pour 2020 produite. Si une impossibilité de rembourser l’impôt exigé est constatée, il est important de contacter l’ARC pour discuter des options disponibles.

La PCRE, quant à elle, a été instaurée avec une retenue à la source de 10%[16], minimisant le problème rencontré par la PCU et la PCUE. Cette retenue risque cependant de ne pas être suffisante pour certains, il faut donc rester vigilant[17].

Contrôle de l’admissibilité

Un deuxième enjeu à considérer concerne l’admissibilité à la PCU et la PCUE. En effet, le gouvernement a procédé au paiement des sommes de façon pratiquement automatique. À moins de situations particulières, ceux qui en ont fait la demande ont reçu les sommes promises. Afin d’éviter la fraude, l’ARC s’est cependant réservé le droit de vérifier l’admissibilité de ceux qui ont reçu des prestations a posteriori. Il a été ainsi dans le but d’aider les gens dans le besoin le plus rapidement possible, compte tenu de l’urgence de la situation et de contrôler une fois la crise stabilisée. Il était alors possible à l’ARC d’exiger le remboursement total des sommes des mois après les avoir reçues si l’inadmissibilité était constatée.

Cela n’a pas été sans conséquence. C’est ce qu’il s’est passé juste avant la période des fêtes de 2020 alors que plus de 440 000 Canadiens ont reçu des lettres de l’ARC[18].

Confusion dans les critères d’admissibilité

Le critère d’admissibilité qui posa le plus de problèmes se trouve dans l’interprétation pour un travailleur autonome du revenu minimal de 5000$ gagné en 2019 ou dans les 12 derniers mois de la demande pour se qualifier au titre de travailleur au sens de la PCU[19]. En tant que travailleur autonome, il existe en effet plus de déductions admissibles pouvant réduire le revenu imposable en comparaison à un employé régulier par exemple. Il ne semblait pas y avoir de distinction claire entre revenu net ou brut. Alors que l’ARC considérait que c’était un 5000$ de revenu net, certains contribuables ont cru, faute d’indications plus supplémentaires, qu’il pouvait s’agir du revenu brut[20]. Le revenu net étant inférieur au revenu brut par les déductions qui y sont faites, l’ARC considéra que les contribuables ne dépassant pas le seuil de 5000$ net n’étaient pas  admissibles et devraient par conséquent rembourser toutes les sommes reçues.

La position initiale de l’ARC était que les contribuables qui n’étaient pas admissibles devraient rembourser les montants reçus en trop avant le 31 décembre 2020. L’Agence considéra que puisque la PCU avait été créée dans l’urgence, il s’agissait d’erreurs de bonne foi et non de fraude[21]. Cela peut être rassurant pour que les contribuables visés ne soient pas accusés de fraude. Cependant, beaucoup avaient déjà utilisé l’argent reçu pour assurer leur subsistance en pensant honnêtement être admissibles. Le premier ministre Trudeau fit plusieurs déclarations au mois de décembre pour tenter de calmer la situation dans un contexte particulier du temps des fêtes de fin d’année[22].

Aboutissement

Finalement, l’ARC est récemment revenue sur sa position[23]. Le critère considéré pour les fins d’admissibilité est simplement d’avoir gagné au moins 5000$ avant impôt au cours des 12 derniers mois ou en 2019[24]. Cette nouvelle fut accueillie d’un grand soulagement pour beaucoup de Canadiens qui ne devront plus rembourser des sommes auxquels ils croyaient légitimement avoir droit. 

________________________________

[1] Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [LIR].

[2] Loi sur les impôts, RLRQ c I-3 [LI].

[3] Art 150 d) i) LIR, art 1000 al 2 d) LI.

[4] Art 248 (1) c) LIR sous la rubrique date d’exigibilité du solde, art 1 d) LI sous la rubrique date d’échéance du solde

[5] « La date limite est-elle reportée pour les déclarations de revenus de 2019? » (mis à jour le 27 juillet 2020), en ligne : Turbo impôt Canadaturboimpot.intuit.ca/info/la-date-limite-est-elle-reportee-pour-les-declarations-de-revenus-de-2019-11121 >.

[6] Katherine Savage et Martin Turcotte, « Se rendre au travail pendant la pandémie de COVID-19 » (10 août 2020), en ligne : Statistiques Canadawww150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00069-fra.htm >.

[7] « Dépenses de travail à domicile pour les employés » (dernière modification le 15 décembre 2020), en ligne : Gouvernement du Canadawww.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/particuliers/sujets/tout-votre-declaration-revenus/declaration-revenus/remplir-declaration-revenus/deductions-credits-depenses/ligne-229-autres-depenses-emploi/espace-travail-domicile-depenses.html >.

[8] Loi sur la prestation canadienne d’urgence, LC 2020, c 5.

[9] Loi sur la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, LC 2020, c 7.

[10] Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12.

[11] « Ce que vous devez savoir pour la période de production des déclarations de revenus de 2021 » (25 février 2021), en ligne : Gouvernement du Canada www.canada.ca/fr/agence-revenu/nouvelles/salle-presse/conseils-fiscaux/conseils-fiscaux-2021/devez-savoir-periode-production-declarations-revenus-2021.html > [Déclaration de revenus 2021].

[12] Art 153 (1) LIR, art 1015 LI.

[13] Agence du revenu du Canada, « Le gouvernement du Canada résout la question des remboursements de la PCU pour les travailleurs autonomes, et annonce un allègement des intérêts sur la dette d’impôt sur le revenu de 2020 en raison des prestations lié à COVID-19 » (9 février 2021), en ligne : Gouvernement du Canada < www.canada.ca/fr/agence-revenu/nouvelles/2021/02/le-gouvernement-du-canada-annonce-une-mesure-ciblee-dallegement-des-interets-visant-la-dette-liee-a-limpot-sur-le-revenu-de-2020-aux-canadiens-a-re.html >.

[14] Art 5 (1) LIR, art 28 LI.

[15] Art 2 (2) LIR, art 24 LI.

[16] Déclaration de revenus 2021, supra note 11.

[17] Isabelle Dubé, « PCU et PCRE : Quel montant ? Quelle stratégie ? », La Presse (7 février 2021) < https://www.lapresse.ca/affaires/finances-personnelles/2021-02-07/impots/pcu-et-pcre-quel-montant-quelle-strategie.php >.

[18] Christopher Nardi, « Ineligible self-employed Canadians who received CERB due to ‘unclear’ information won’t be forced to repay », National Post (9 février 2021), en ligne : < nationalpost.com/news/politics/ineligible-self-employed-canadians-who-received-cerb-due-to-unclear-information-likely-wont-be-forced-to-repay >.

[19] Loi sur la prestation canadienne d’urgence, supra note 8, art 2.

[20] Michel Girard, « Un superbe cas de recours collectif contre Ottawa », Le Journal [de Montréal] (22 décembre 2020), en ligne : < www.journaldemontreal.com/2020/12/22/un-superbe-cas-de-recours-collectif-contre-ottawa >.

[21] Marie-Eve Shaffer, « Remboursement de la PCU : la date limite est le 31 décembre », Protégez-Vous (23 décembre 2020), en ligne : < www.protegez-vous.ca/nouvelles/affaires-et-societe/remboursement-de-la-pcu-la-date-limite-est-le-31-decembre >.

[22] Radio-Canada, « Le remboursement de la PCU peut attendre après les Fêtes, dit Trudeau », Radio-Canada (17 décembre 2020), en ligne : < ici.radio-canada.ca/nouvelle/1758041/prestation-canadienne-urgence-versement-lettre-arc-impots >.

[23] La Presse Canadienne, « Certains travailleurs autonomes ne seront pas tenus de rembourser la PCU », Les Affaires (9 février 2021), en ligne : < www.lesaffaires.com/mes-finances/fiscalite/certains-travailleurs-autonomes-pas-tenus-de-rembourser-la-pcu/622961 >.

[24] « Prestation canadienne d’urgence (PCU) auprès de l’ARC » (dernière modification le 27 janvier 2021), en ligne :  Gouvernement du Canada www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/prestations/faire-demande-pcu-aupres-arc.html >.

Andrei Moraru est un étudiant de troisième année du baccalauréat en droit de l'Université Laval. Il est intéressé particulièrement par le droit des affaires et fiscal.

Contribuer