22
JAN
2015

La fin des politiques d’annulation de 30 jours dès le 23 janvier 2015

C’est le 6 novembre 2014 que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a rendu sa première décision suite à l’audience publique «Parlons télé : une conversation avec les Canadiens sur l’avenir de la télévision».[1] Les politiques d’annulation de 30 jours seront interdites dès le 23 janvier 2015 pour les services téléphoniques locaux, les services Internet et les services de distribution de radiodiffusion.

D’abord, définissions lesdites politiques de 30 jours. Il s’agit en fait d’exiger du client qui souhaite résilier son contrat qu’il fournisse une notification préalable avant de procéder. Le contrat est résilié 30 jours après cette notification. C’est donc une obligation de préavis dont le délai requis est de 30 jours, soit d’environ un mois.

Ensuite, examinons les faits et la procédure entourant cette audience publique. L’affaire «Parlons télé» se déroule après l’affaire Eastlink, dont le dossier a été fermé le 26 février 2014. Effectivement, Bragg Communications Incorporated, connu sous le nom de Eastlink, avait demandé au CRTC d’interdire aux fournisseurs de services d’appliquer les politiques de 30 jours. L’entreprise a fait valoir que cette pratique entraine une double facturation et complique la tâche des consommateurs qui souhaitent changer de fournisseur. Soit ils attendent 30 jours après avoir donné leur avis de résiliation et payent pour un service qu’ils ne désirent plus, soit ils transfèrent vers un nouveau fournisseur tout en payant l’ancien pour un mois de service qu’ils ne recevront pas. Plusieurs intervenants dont l’Association des consommateurs du Canada (collectivement le PIAC), le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), et Vidéotron appuient cette demande. Selon eux, ces politiques sont des tentatives pour affaiblir le marché et représentent une source de frustration et un obstacle au choix pour les abonnés.

D’ailleurs, pour les services de télécommunications, les politiques de 30 jours représentent la deuxième source de plainte des consommateurs auprès du Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications. En chiffres, cela représente 1835 plaintes, soit 9,5% de l’ensemble des plaintes reçues. Il est à noter que les politiques d’annulations de 30 jours pour les services sans fil ont été interdites dans le Code sur les services sans fil du CRTC, entré en  vigueur en décembre 2013[2]. Suite aux nombreuses plaintes et à l’instance Eastlink, le CRTC a lancé un avis de consultation comportant diverses propositions en ce qui a trait à la réglementation future du système canadien de télévision.[3] À la proposition 23, le CRTC indique qu’il pourrait considérer un nouveau code des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) semblable au Code sur les services sans fil. C’est ce qui a ouvert l’audience publique «Parlons télé» dans laquelle les arguments de l’affaire Eastlink ont été réitérés.

Examinons la décision du CRTC. Le Conseil concentre son analyse sur deux points : «la question de savoir si les plaintes des consommateurs signifient qu’ils croient que les politiques d’annulation de 30 jours leur compliquent la tâche lorsqu’ils désirent changer de fournisseur de service et profiter des offres concurrentielles» et «les répercussions possibles d’une interdiction des politiques d’annulation de 30 jours sur les fournisseurs de services»[4]. Sur le premier point, le CRTC estime que ces politiques sont une source de frustration pour les consommateurs et qu’elles leur complique la tâche lorsqu’ils souhaitent changer de fournisseur, ceux-ci étant souvent obligés d’acquitter une double facturation. Concernant le second point, il envisage notamment les couts reliés aux modifications des contrats et du système de facturation et à la communication de ces changements aux clients. Or, le Conseil est d’avis que ces répercussions sont compensées par les avantages tirés des consommateurs. Ainsi, le Conseil interdit aux fournisseurs de télécommunications d’avoir recours aux politiques d’annulation de 30 jours, étant d’avis que «[c]ette approche permettra à ces consommateurs [les particuliers et les petites entreprises] d’exercer des choix éclairés dans le marché concurrentiel tout en favorisant le dynamisme de celui-ci»[5]. Selon le CRTC, l’interdiction de ces politiques est conforme au cadre législatif entourant les télécommunications et la radiodiffusion. En effet, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion visent entre autres à favoriser la compétitivité des télécommunications et le libre jeu du marché, à satisfaire les usagers des services et à fournir une programmation à des tarifs abordables.[6]

Une différence terminologique est à noter. Au paragraphe 40 de sa décision, le CRTC «ordonne» aux entreprises canadiennes de télécommunication d’annuler les politiques de 30 jours, alors qu’au paragraphe 43, il «s’attend» à ce que les EDR cessent l’utilisation de ces politiques.

Pour conclure, précisions que le gouvernement québécois a soulevé dans l’affaire que le domaine de la protection des consommateurs relève de la compétence provinciale et que la Loi sur la protection du consommateur[7] prévoit déjà des limites strictes quant aux politiques d’annulation et aux couts y étant associés. Bien que la L.p.c. protège déjà les consommateurs québécois, l’annulation des politiques de 30 jours sera profitable pour l’ensemble des Canadiens. Enfin, dans son analyse, le CRTC fait preuve d’un grand équilibre en tenant compte de l’impact de sa décision sur la réalité des entreprises de télécommunication.

 

 


[4] par. 27 de la décision commentée

[5] par. 39 de la décision commentée

[6] Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38, art. 7c), f), et h) ; Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, art. 3(1) t)(ii)

[7] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ ch. P-40.1 (ci-après «L.p.c.)

Valérie Langlois est présentement étudiante de 2e année au baccalauréat en droit à l’Université Laval. En mai 2014, elle se joint à titre de mentor au Centre de soutien aux étudiants de la Faculté de droit où elle y conseille les étudiants de première année sur les méthodes de travail et sur la manière de passer les examens en droit. Valérie est particulièrement intéressée par le droit des biens et des obligations. C’est sa curiosité envers le droit des affaires et son désir d’expérience pratique qui l’ont poussée à participer au Bulletin de droit économique. Elle se joint à l’équipe avec enthousiasme.

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