30
JUIN
2016

La cession d’entreprise et les impacts sur la concurrence, Fusions-acquisitions : Partie III

Pour « boucler la boucle » en matière de fusion-acquisitions, j’ai décidé, pour ce dernier article de blogue, d’élaborer sur les enjeux que la cession d’une société par actions peut engendrer dans le domaine de la concurrence et qui ne doivent pas être passés sous silence. Pour cela, la Loi sur la concurrence[1] a été créée afin d’encadrer toute activité économique ayant des impacts en cette matière au Canada. Elle cherche à favoriser l’efficience et l’adaptabilité de l’économie canadienne, assurer une participation honnête des petites et moyennes entreprises à celle-ci et permettre au consommateur de profiter d’un choix varié et des produits de qualité aux meilleurs prix[2]. Ainsi, le transfert d’une entreprise, que ce soit par le rachat d’actifs afférents à celle-ci, par le rachat d’actions ou par fusion statutaire, peut avoir des incidences sur plusieurs aspects de la concurrence[3].

 

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La Loi sur la concurrence encadre fortement ce genre de transactions. En effet, dès qu’un fusionnement est susceptible d’affecter négativement la concurrence en l’empêchant ou en la diminuant considérablement dans un certain marché, le commissaire de la concurrence peut s’adresser au Tribunal, qui pourrait éventuellement émettre une ordonnance obligeant le vendeur et l’acquéreur à stopper toute action en lien avec cette acquisition juridique[4]. Il est intéressant de mentionner que cette loi utilise le mot « fusionnement » pour parler du rachat d’actifs, du rachat d’actions et de la fusion statutaire qui sont les trois différentes façons d’acquérir une autre société par actions[5].

 

Par ailleurs, le fusionnement n’a pas à avoir été complété pour que le Tribunal intervienne. L’opération peut en être à la phase de proposition. Pour déterminer si une opération de fusionnement affecte la concurrence d’une manière non souhaitable, le Tribunal prendra en compte divers facteurs. Entre autres, le Tribunal déterminera si le fusionnement réalisé entraînera la disparation d’un concurrent important dans l’économie canadienne, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur cette dernière. Le juge de la concurrence se demandera aussi si les changements apportés dans un domaine, suite à ce fusionnement, sont négatifs et si cette opération commerciale peut entraîner la ruine d’autres entreprises. Le Tribunal considèrera également dans son analyse quel sera l’impact d’une fusion sur les produits disponibles et sur la concurrence étrangère ainsi que sur l’accès aux produits substituts acceptables. De plus, le Tribunal de la concurrence s’assurera que le fusionnement n’entrave pas l’accès à un marché clé et que, suite à la transaction, il y aura survie d’une concurrence saine dans ce marché. Finalement, le Tribunal analysera tout autre facteur pertinent en lien avec la concurrence[6]. À cet égard, en 2012, le commissaire à la concurrence a publié des Lignes directrices concernant le processus d’examen des fusions afin de le guider lors de la révision d’un fusionnement et ses effets sur la concurrence.

 

En outre, les acteurs impliqués dans le fusionnement pourront faire valoir comme moyen de défense, afin de contrer l’arrêt des procédures commerciales, l’argument du gain en efficience, prévu à l’article 96 de la Loi sur la concurrence. Les parties contractantes tâcheront de démontrer que les bénéfices du fusionnement neutralisent et surpassent les inconvénients anticoncurrentiels d’une telle opération. Ce sera au Tribunal d’analyser le pour et le contre des arguments des deux parties et juger celui qui a le plus de poids.

 

Enfin, il y a certaines transactions qui doivent, avant leur clôture, faire l’objet d’un préavis au commissaire afin que ce dernier évalue les effets de la transaction sur la concurrence et juger si celle-ci est acceptable. Pourquoi ce mécanisme est-il prévu ? À la suite de la  réalisation d’une transaction, il est souvent très difficile de corriger les effets néfastes de l’opération. Ainsi, à titre préventif, pour protéger le marché d’opérations anticoncurrentielles, la loi prévoit un préavis obligatoire pour les transactions dépassant certains seuils[7]. Lorsque ces seuils sont dépassés, les parties contractantes devront envoyer au commissaire les informations prévues dans la loi avant de compléter le fusionnement[8].

 


[1] Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34.

[2] Loi sur la concurrence, art. 1.1.

[3] Sur l’étude des fusions en droit de la concurrence, v. notamment : Karounga DIAWARA, Droit de la concurrence : Aspects théoriques et appliqués, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 343-418.

[4] Loi sur la concurrence, art. 92.

[5] Loi sur la concurrence, art. 91.

[6] Loi sur la concurrence, art. 97 ; Daniel PICOTTE, «La cession d’entreprise», dans Collection de droit 2015-2016, École du Barreau du Québec, vol. 9, Entreprises et sociétés, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 282 à 288, < http://edoctrine.caij.qc.ca/collection-de-droit/2015/9/1262828699/>.

[7] Loi sur la concurrence, art. 109 et 110.

[8] Loi sur la concurrence, art. 108 à 124.

Laurence Béland-Cousineau est étudiante en troisième année au baccalauréat en droit de l’Université Laval. Bachelière en administration des affaires de l’Université du Québec à Montréal, elle est également détentrice d’un certificat en droit transnational de l’Université de Genève (Suisse). Le droit des affaires l’intéresse, plus particulièrement le droit des sociétés, les enjeux liés à la gouvernance d’entreprise et le domaine de la fusion-acquisition.

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