En 2010, le Bureau de la concurrence a lancé une procédure contre Rogers et son service Chatr. En effet, ce nouveau joueur de Rogers sur le marché des communications textes et voix avait fait l’objet d’une publicité pancanadienne annonçant que son réseau souffrait moins d’appels interrompus que ses concurrents. Cette annonce ne se fondait sur aucune étude probante.
Le Bureau a donc poursuivi Rogers/Chatr devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour publicité trompeuse. Notamment, le Bureau demandait 10 millions de dollars de sanction administrative pécuniaire.
Sur son site internet, le Bureau rappelle : « L’alinéa 74.01(1)a) de la Loi est une disposition civile. Cette disposition interdit de donner ou de permettre que soit donnée au public, de quelque manière que ce soit, une indication qui est fausse ou trompeuse sur un point important. En vertu de cette disposition, il n’est pas nécessaire de démontrer : qu’une personne a été trompée ou induite en erreur; qu’une personne faisant partie du public à qui les indications ont été données se trouvait au Canada; que les indications ont été données à un endroit auquel le public avait accès. Le paragraphe 74.03(5) précise que, pour déterminer si une indication est fausse ou trompeuse sur un point important, il faut tenir compte de l’impression générale qu’elle donne ainsi que de son sens littéral.
Le tribunal qui arrive à la conclusion qu’une personne a contrevenu à l’alinéa 74.01(1)a) peut ordonner à celle-ci de ne pas se comporter de la sorte, de diffuser un avis correctif, de payer une sanction administrative pécuniaire ou de payer une restitution aux acheteurs ».
Rogers a d’abord contesté la constitutionnalité de la disposition. L’amende de 10 millions de dollars serait contraire à l’article 11 de la Charte canadienne. Dans la décision de 2013[1] (au par. 575), la Cour ne reconnaît pas cette violation.
Le 21 février dernier, cette même Cour reconnaît toutefois que Rogers n’a pas assez étayé ses affirmations sur les interruptions d’appel et a prononcé une sanction administrative pécuniaire de 500 000 dollars.
Le Bureau de la concurrence a décidé le 24 mars dernier de ne pas interjeter appel[2]. Quant à Rogers, la compagnie s’estime « ravie » de cette décision et qualifie l’amende de « modeste »[3]. Rogers a de quoi être satisfaite par rapport aux 7 millions de dollars demandés. Dans cette affaire, le grand gagnant est Rogers. En effet, l’entreprise paye une somme infime par rapport à ce qu’a pu rapporter la pratique ou par rapport à l’amende demandée. Quant au Bureau de la concurrence, il se trouve dans une position délicate où la Cour, tout en condamnant Rogers lui donne aussi raison. Les tests permettant d’affirmer que Chatr avait moins de coupures que ses concurrents n’étaient pas terminés au moment de la publicité pour affirmer la véracité de l’information. C’est la raison pour laquelle Rogers est condamnée à « demi ». C’est sans doute aussi la raison pour laquelle le Bureau ne fait pas appel. Il n’avait rien de plus à attendre en terme de sanction. En cas d’échec de l’appel, le Bureau de la concurrence aurait perdu en crédibilité pour les prochaines affaires.
Toutefois, il faut saluer la vigilance du Bureau sur un marché sensible au regard du manque de concurrence dont il est l’objet. Le marché du « sans-fil » fait à ce titre l’objet d’une surveillance particulière du gouvernement fédéral[4].
[1] Canada (Competition Bureau) v. Chatr Wireless Inc., 2013 ONSC 5315 (CanLII)
[2] http://www.bureaudelaconcurrence.gc.ca/eic/site/cb-bc.nsf/fra/03707.html
[3] http://aproposde.rogers.com/About/Media_Relations/News/14-02-24/La_Cour_rejette_la_tentative_du_Bureau_de_la_concurrence_d_39_imposer_une_amende_consid%C3%A9rable_et_est_d_39_avis_que_la_publicit%C3%A9_de_chatr_%C3%A9tait_exacte_et_v%C3%A9ridique.aspx.
[4] http://www.ic.gc.ca/eic/site/icgc.nsf/fra/07389.html.
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