Blanchiment d’argent : complicité des banques ?

*Dominique Mannella

 

En mars 2014, les banques françaises Société générale, BNP Paribas et Crédit agricole ont fait l’objet d’une enquête pour blanchiment d’argent et violations de sanctions américaines contre certains pays[1]. Selon des informations recueillies par le Wall Street Journal[2], le but de cette enquête était d’établir si elles avaient potentiellement blanchi de l’argent provenant de sources illégales et violé l’embargo américain en faisant des affaires avec un certain nombre de pays comme Cuba, l’Iran et le Soudan. Par ailleurs, il semblerait, selon les mêmes sources, que d’autres grandes banques internationales seraient aussi citées dans l’enquête. À l’heure actuelle, le Wall Street Journal refuse de dévoiler l’identité de ces banques et les dates d’ouverture d’enquête[3]. Cependant, nous pouvons nous interroger sur l’implication d’autres grandes banques qui ont déjà fait l’objet d’amendes monétaires et de condamnation judiciaires, de sanctions civiles, criminelles et pénales pour avoir blanchi de l’argent sale provenant, soit du crime organisé ou de stratagèmes frauduleux.

Bien que l’enquête contre les trois banques françaises soit menée conjointement par le Trésor des États-Unis, le Département américain de la justice et le Régulateur des services financiers de New York, le Wall Street Journal soulignait le fait que la BNP Paribas serait en négociation avec les autorités américaines pour entériner un règlement hors cours. En effet, relevons que cet accord ne diminuera pas pour autant les pertes financières occasionnées par la banque pour cette enquête. À cet égard, combien coûte une poursuite judiciaire pour les grandes banques ? Lors de la publication de ses résultats annuels en février dernier, la première banque française avait indiqué qu’elle avait passé une provision de 798 millions d’euros au quatrième trimestre. Dans un dossier similaire, la banque britannique Standard Chartered avait également payé 650 millions de dollars (468,6 millions d’euros) en 2012 pour couvrir les frais reliés aux poursuites intentées par le Département des services financiers (DFS) de l’État de New York.

Dans une affaire fort médiatisée, comme l’indique un rapport du Sénat américain , la Banque HSBC est accusée d’avoir blanchi de l’argent pour des clients dont le montant s’élève à 16 milliards de dollars provenant de transactions secrètes avec l’Iran, la Syrie, les îles Caïman ou l’Arabie Saoudite et a transféré 7 milliards de dollars  appartenant au cartel de drogue mexicain à sa filial. Suite à une poursuite judiciaire américaine, la banque en question a dû verser 1,92 milliard de dollars américains pour mettre fin aux poursuites découlant de cette affaire de complicité de blanchiment d’argent. Mes lectures de thèse sur le blanchiment d’argent et la gouvernance d’entreprise m’ont amené à lire l’ouvrage de M. Hervé Landau, intitulé Pratique de la lutte antiblanchiment[4], évoquant qu’en dehors du problème relié à la complicité des grandes banques et des institutions financières, la lutte contre le blanchiment d’argent reste avant tout une problématique de gestion de risque. Le département «compliance » et le « compliance officer » d’une banque ou institution financière, jouent des rôles cruciaux en ce qui a trait à l’élaboration et l’application de stratégies de gestion des risques visant à détecter et prévenir le blanchiment d’argent[5].

Pour conclure, les conséquences de ces affaires de blanchiment d’argent, tant pour les grandes banques que pour les autres grandes institutions financières, ont non seulement engendré des coûts exorbitants, mais ont aussi affecté leur réputation et leur image.

 

*Doctorant, Faculté de droit, Université Laval

 


[3] Voir cet article sur Internet.

[4] Voir de façon générale : Hervé Landau, Pratique de la lutte antiblanchiment : de l’approche normative à la gestion du risque, Paris, Revue Banque Édition, 2005.

[5] Voir de façon générale : Verhage, Antoinette.  The anti-money laundering compliance and the compliance industry, London: New York: Routledge, 2011.

 

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